« Error, the Art of Imperfection », Ars Electronica 2018

41361914332_8eed74340e_zA Ars Electronica, tout ce qui était photographiable ou vidéographiable l’a été. Le tout a largement été partagé sur les diverses plateformes sociales. Chacun peut donc se faire une idée de ce qu’il y avait par une simple recherche en ligne.

Comme tout le monde, je vais faire un compte-rendu partiel (et partial) mais en essayant d’ajouter des mots aux images et des légendes aussi. Je trouve terriblement irritante cette manie de publier des photos d’œuvres ou de projets sans dire ce que c’est ni mentionner le nom de ceux et celles qui les ont faits …

Trois raisons principales m’amenaient à Linz cette année :

– Voir quelques-unes des œuvres qui viennent d’être créées et qui vont être présentées aux Rencontres Bandits-Mages à Bourges dans l’exposition « Raccommoder le tissu du monde » dont je suis la commissaire et qui ouvre le 15 novembre 2018.

– Célébrer le Golden Nica attribué à Leonardo et le 50ème anniversaire de la revue

– Et … découvrir de nouvelles œuvres et artistes

LES ŒUVRES DE BANDITS-MAGES

Installées dans le « Bunker » de Post City, au plus profond du sous-sol de cet ancien tri postal, dans l’obscurité de petites salles telles deux cellules se trouvaient ArchaeaBot d’Anna Dumitriu & Alex May et aqua_forensic de Robertina Sebjanič & Gjino Sulič.

ArchaeaBot est un petit robot plus ou moins sphérique réalisé en impression 3D. Muni de 3 flagelles sur le modèle de celles des archées bactéries il est immergé dans un aquarium.

"ArchaeaBot", Anna Dumitriu & Alex May, image Vanessa Graf

« ArchaeaBot », Anna Dumitriu & Alex May, image Vanessa Graf – 2018

Avec ArchaeaBot, Dumitriu et May explorent le registre spéculatif et confient à une nouvelle forme de vivant hybride, associant archaea (les plus anciennes formes de vie sur Terre) et robot, le soin de poursuivre l’évolution dans un environnement d’après le monde tel que nous le connaissons.

Palpitant entre les bulles dans la transparence de l’aquarium, nimbé d’une légère lumière qui fait penser à la bioluminescence, ArchaeaBot apparaît comme la dernière créature vivante, l’ultime qui pourra, éventuellement, sauver la notion même de vie.

 

"aqua_forensic" de Robertina Sebjanič & Gjino Sulič

« aqua_forensic » de Robertina Sebjanič & Gjino Sulič – 2018

aqua_forensic de Robertina Sebjanič & Gjino Sulič déploie toute une tuyauterie en cuivre. Diamètre 22 mm. Mettant à jour celle que nous nous appliquons à encastrer avec soin dans nos maisons et appartements. Des cylindres y sont accrochés, comme des regards de contrôle. En leur sein, de petites vidéos montrent l’effet de diverses drogues sur la faune aquatique microscopique. aqua_forensic est une observation factuelle de la pollution chimique des eaux douces aussi bien que salées et de l’effet pervers des soins médicamenteux portés aux humains qui empoisonnent les créatures aquatiques. A Bourges, l’installation sera un peu différente, le long tube en acrylique transparent contenant des dizaines de pilules de toutes sortes devrait être remplacé par un dispenseur en verre.

"The Bottled Songs of Lost Children" de Chloé Galibert-Lainé & Kevin Lee

« The Bottled Songs of Lost Children » de Chloé Galibert-Lainé & Kevin Lee – 2018

Sur le mur de la grande salle qui ouvre l’exposition « Error in Progress », deux écrans côte à côte diffusent deux des vidéos essais du projet The Bottled Songs of Lost Children de Chloé Galibert-Lainé & Kevin Lee sur le terrorisme dans les médias et les réseaux sociaux. Déconstruction de la sémiotique de ces images et vidéos de propagande, de leur circulation et re/dé-contextualisation, l’œuvre porte un regard réflexif sur la recherche universitaire en sciences humaines et sur l’attraction-répulsion que ces images suscitent.

Il y avait aussi Faster Than Light de Thomas Owen et Kentaro Kumanomido, projet multi-écran et multi-narratif, un work in progress multiforme sur l’identité personnelle et intime dans une approche queer. Mais il était tellement mal présenté à Linz, dans le fracas des robots et des objets techno des industries créatives, que je préfère ne pas le commenter dans ce bref compte-rendu. On prépare de jolies surprises pour Bandits-Mages, notamment avec une projection-performance le samedi 17 novembre.

"Faster Than Light" de Thomas Owen et Kentaro Kumanomido

« Faster Than Light » de Thomas Owen et Kentaro Kumanomido – 2018

 

GOLDEN NICA POUR LEONARDO ET UN GÂTEAU D’ANNIVERSAIRE POUR LES 50 ANS

Heureuse et émue. Heureuse de voir Hannes Leopoldseder, un des co-fondateurs d’Ars Electronica, remettre le Golden Nica à Roger Malina sur la scène de la Brucknerhaus. Émue d’écouter Herbert Franke parler de sa rencontre avec Frank Malina à Paris dans la salle de conférence du centre culturel OK. Contente de voir les vieux amis autour du gâteau avec la nouvelle génération qui a « slamé » Leonardo.

Roger Malina et Hannes Leopoldseder - Golden Nica pour Leonardo

Roger Malina et Hannes Leopoldseder – Golden Nica pour Leonardo – 2018

Roger Malina - Golden Nica Leonardo

Roger Malina – Golden Nica Leonardo – 2018

 

Herbert Franke

Herbert Franke – 2018

Dawn Faelnar, Kenneth Azurin & Christa Sommerer (une partie de la Leonardo Slam Team)

Dawn Faelnar, Kenneth Azurin & Christa Sommerer (une partie de la Leonardo Slam Team) – 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gâteau d'anniversaire pour les 50 ans de Leonardo à Ars Electronica. Photo reprise d'un.e ami.e sur les réseaux sociaux.

Gâteau d’anniversaire pour les 50 ans de Leonardo à Ars Electronica. Photo reprise d’un.e ami.e sur les réseaux sociaux. 2018

 

ET SINON ….

Sinon, j’ai trouvé cette édition intéressante et riche. De nombreuses œuvres étaient liées à la médecine ou un environnement médical hors d’une approche de bioart, d’autres relevaient de ce que je qualifierais de « dextérité mécanique » avec un parfum d’objets anciens.

Voici quelques-uns des projets que j’ai retenu parmi ceux que j’ai vu, sans catégorisation aucune, et selon le parcours de l’exposition. Il va sans dire que je n’ai vu qu’une partie non seulement de ce qui était présenté mais aussi de ma « ToSeeList » (Ars Electronica sait organiser la frustration comme nul autre festival !).

* Heavenly Bodies de Bea Haines sont des photos en grand format prises au microscope électronique à balayage de calcul rénaux, ceux de la grand-mère de l’artiste. L’artiste magnifie ces déchets, légèrement répugnants, que le corps humain expulse, joue des références entre le reliquaire et les corps cosmiques des comètes ou des astéroïdes auxquels ils font irrésistiblement penser.

"Heavenly Bodies", Bea Haines

« Heavenly Bodies », Bea Haines

 

* The Art of Deception, Isaac Monté et Toby Kiers

De prime abord très élégante et quasi classique, prête pour un musée d’art contemporain, l’installation The Art of Deception est ironique et acide aussi bien sur les pratiques de recherches médicales qu’artistiques. Des cœurs de cochons mis au rebut ont été décellularisés et retravaillés selon différentes techniques.

"The Art of Deception", Isaac Monté et Toby Kiers

« The Art of Deception », Isaac Monté et Toby Kiers

The Art of Deception, Isaac Monté et Toby Kiers

The Art of Deception, Isaac Monté et Toby Kiers

The Art of Deception, Isaac Monté et Toby Kiers

The Art of Deception, Isaac Monté et Toby Kiers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Fly Salt de Christa Sommerer & Laurent Mignonneau.

"Fly Salt", Christa Sommerer & Laurent Mignonneau

« Fly Salt », Christa Sommerer & Laurent Mignonneau, 2018

Au côté d’une nouvelle œuvre de réalité virtuelle proposant une navigation dans un essaim de mouches dans un ciel paisible, les artistes exposaient un certains nombres d’objets dont ce « Sel avec mouches ». Derrière son aspect inoffensif, cet ensemble joue sur l’attraction-répulsion mais aussi sur la commercialisation de ces produits « du terroir » revus et adaptés pour devenir « chics ». J’arrivais de Ljubljana … où j’avais acheté du sel au romarin —celui aux truffes m’ayant semblé quand même un peu trop cher— comme « cadeau typique » à rapporter (il y a des salines très anciennes en Slovénie). J’avoue avoir eu très envie de ce Fly Salt (pièce unique).

 

* uneartch / Paleo-Pacific, de Shun Owada

uneartch / Paleo-Pacific, de Shun Owada

uneartch / Paleo-Pacific, de Shun Owada, 2018

Cette œuvre pourrait s’intituler « écouter le temps se dissoudre ». De l’acide dilué tombe goutte à goutte sur des roches calcaires lesquelles ont été formées par la fossilisation d’organismes marins datant de l’extinction de masse d’il y a 250 millions d’années. Un micro capte le son délicat de leur dissolution.

 

* Himatsubushi (L’Art de tuer le temps en s’amusant)

Afin de faire faire encore un peu plus d’exercice aux festivaliers, Ars Electronica avait investi le dernier étage et le toit du tri postal. En récompense s’y trouvait un ensemble de projets ludiques pour « tuer le temps », pour se détendre. De prime abord, tout cela apparaissait comme joli mais un peu superficiel. Mais, très vite, on se prenait au jeu et très vite venait la conscience que cette pause nous renvoyait au rythme de travail que nous nous imposons en général et dans le marathon qu’est Ars Electronica. Ayant un attrait pour les stylos, j’ai tout particulièrement apprécié ceux-ci, proposés par Ryo Hashimoto.

Ryo Hashimoto

Ryo Hashimoto

 

Il y a eu également la présence d’art spatial (notamment avec Miha Tursič, Sarah Jane Pell et Nahum), la performance musicale toujours aussi drôle et envolée de Ei Wada avec ses objets électroménagers et bien d’autres choses (les catalogues sont en téléchargement libre et le compte Flikr est très bien fait).

MAIS AUSSI

Venir à Linz, c’est aussi pouvoir profiter de l’exposition « Höhenrausch » du centre artistique et culturel OK (Offenes Kulturhaus). Après les nuages et les anges, le thème cette année portait sur l’eau avec pour titre « The Other Shore » (l’autre rive).

L’exposition s’y déploie dans un bâtiment étonnant, avec un parcours qui zigzague dans les étages, passe de l’intérieur à l’extérieur et vice versa, traverse le clocher de l’église puis le toit pour monter dans une tour avant de replonger dans les salles.

 

"67.8m square meters of Street Barriers" de Ovidiu Anton

« 67.8m square meters of Street Barriers » de Ovidiu Anton, 2018

Il lui faudrait un compte-rendu en soi. Je retiendrai simplement 67.8m square meters of Street Barriers de Ovidiu Anton, un ensemble de barrières de chantier qu’il fallait escalader pour entrer dans l’exposition (oui ! une autre entrée était possible pour les gens avec poussettes, en fauteuil, etc.) et l’impressionnant The Flying Ship d’Alexander Ponomarev, accroché tout là-haut au-dessus du toit mais aussi l’intelligence de la présentation de Number Eight, Everything is Going to Be Alright, le très beau film de Guido Van der Werve, montrant un homme marchant devant un brise-glace : deux chaises longues étaient installées devant un immense écran sur lequel le film était projeté lequel bloquait le passage de la rampe d’accès au parking.

"The Flying Ship" d'Alexander Ponomarev

« The Flying Ship » d’Alexander Ponomarev, 2018

 

"Number Eight, Everything is Going to Be Alright", de Guido Van der Werve

« Number Eight, Everything is Going to Be Alright », de Guido Van der Werve, 2007

L’an prochain, Ars Electronica fête ses 40 ans. Autant se préparer tout de suite.

* Sauf mention contraire toutes les images sont d’annick bureaud

Publié dans Art-Science, Art-Science, Digital Art, Vu / Seen | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Laisser un commentaire

« Au-delà des limites », TeamLab

TeamLab

L’installation d’art numérique XXL Au-delà des limites du collectif japonais TeamLab à la Grande Halle de la Villette devrait connaître un vrai succès. Et ce serait justifié.

La maîtrise technique y est époustouflante, l’ambiance enchanteresse, en tout cas paisible, tranchant avec le brouhaha et le remue-ménage extérieurs.

Dans diverses projections murales, dont une gigantesque sur toute la hauteur du bâtiment, et dans trois petites constructions plus encloses, on y croise des papillons, des oiseaux, des fleurs, un monde aquatique, une cascade, des ombres détourées de personnages tout droit sortis d’un antique rouleau japonais, tout un peuple de créatures humaines et non humaines en mouvement qui réagissent à des degrés divers à notre présence. Si l’après-midi de semaine de juin où j’y suis allée le public était un peu clairsemé, il était clairement ravi : outre la réalisation des inévitables selfies et autres vidéos, les gens prenaient le temps de voir les tableaux et projections se dérouler et ils s’étendaient même dans les fleurs artificielles de l’installation comme ils l’auraient fait sur la pelouse voisine du parc de la Villette.

Pourquoi suis-je donc restée sur ma faim ? A demi convaincue ?

Est-ce l’esthétique, toute en joliesse un peu mièvre ? Est-ce l’absence d’aspérité, ou de ces puissantes singularités qui font qu’une œuvre vous emporte ? Est-ce le fait que je n’ai pas trouvé ça particulièrement immersif mais au contraire que l’image m’est toujours apparue dans sa surface, la planéité de la projection (pour ne pas dire la superficialité).

Mon trouble me semble plutôt venir du sentiment d’avoir vu une compilation, brillante certes, mais sans beaucoup d’inventivité si ce n’est sa dimension.

La cascade qui nous contourne quand on se met dessous ? Le projet Fluid Structures 360°de Vincent Houzé dans Capitaine Futur et la Super Nature à la Gaité Lyrique est plus captivant et le jeu avec les bulles d’eau procurent une sensation d’apesanteur réjouissante.

Les papillons qui ont « peur du feu mais aiment les fleurs », les fleurs qui poussent et évoluent selon la place du spectateur font irrésistiblement penser aux œuvres de vie artificielle de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau des années 1990.

TeamLab utilise ainsi un vocabulaire de l’art numérique existant, ce qui en soi n’est pas un problème, mais sans apporter un réel regard singulier.

Si on est doté d’enfants ce sera un joli moment pour les occuper mais jusqu’au 14 juillet on préférera néanmoins Capitaine Futur et la Super Nature, plus inventif.

L’exposition réellement pensée, empreinte aussi bien d’intelligence que d’émotion, avec des œuvres de premier plan, à ne manquer sous aucun prétexte est L’Invention de Morel ou la machine à images, jusqu’au 21 juillet, à la Maison de l’Amérique Latine et, oui, elle est gratuite …

Publié dans Blog, Digital Art, Vu / Seen | Marqué avec , , , , , , , , | Laisser un commentaire

Louis

Louis Bec est mort.

Je ne l’appelais « Louis Bec » que lorsque je parlais de lui à des étudiants ou quand je m’adressais à des tierces personnes, ou dans un contexte officiel.

Sinon, je disais « le Louis ».

Louis Bec est mort. Mais le Louis ?

Quand je pense à lui, me vient un grand sourire. Mais on ne sourit pas quand quelqu’un meurt. Dissonance cognitive.

Un flot de souvenirs, désordonnés, joyeux, intenses. Surtout joyeux. Même les discussions âpres et ardues étaient joyeuses. Des céphalopodes, de la vie artificielle, Flusser, des images de synthèse, des mots imprononçables et intraduisibles, des poissons électriques, des robots, des schémas, de la pensée structurée en diagrammes, des extrêmophiles, des dessins, un lapin transgénique, des textes que l’on relit comme au premier jour, avec le même émerveillement, de la curiosité, de la malice. Le Louis, c’était du miel pour les neurones.

Je me rends compte que je n’ai aucune photo de lui, aucune photo avec lui. Il est des gens dont le commerce suffit.

Certains disent qu’il n’a pas eu de juste reconnaissance, officielle. C’est vrai, mais que de gens tellement divers, de tellement de générations il aura influencé, formé, nourri, soutenu. Il nous a appris que l’on pouvait être libre de penser et de faire des choses hors cadre.

Certains disent qu’il va falloir préserver son héritage intellectuel, culturel, artistique. Il y a déjà cette jolie collection de textes réunis dans un iBook par Pavel Smetana et CIANT. J’aimerais qu’on le fasse fructifier, cet héritage. Que l’on soit à la hauteur de ce qu’il nous a transmis, de la façon dont il nous regardait et nous écoutait.

Ce que je sais, ce soir, c’est qu’il est des conversations que je n’aurai plus.

1200x630bb

Paris, 2 juin 2018

Publié dans Annick's News, Anouncement, Unclassified | Marqué avec | Laisser un commentaire

« Absynth », HeHe (Helen Evans, Heiko Hansen), Jean-Marc Chomaz, Jean Philippe Renoult, Dinah Bird, 2018

"Absynth", HeHe (Helen Evans & Heiko Hansen) - Jean-Marc Chomaz - son Jean Philippe Renoult & Dinah Bird, 2018

« Absynth », HeHe (Helen Evans & Heiko Hansen) – Jean-Marc Chomaz – son Jean Philippe Renoult & Dinah Bird, 2018

Parc de La Villette un samedi après-midi de presque printemps : une foule joyeuse s’égaie sur les pelouses. Le WIP présente Absynth de HeHe, Jean-Marc Chomaz avec une création sonore de Jean Philippe Renoult et Dinah Bird dans le cadre de la Biennale d’arts numériques Nemo 2018.

Avant même de voir l’installation, ce qui saisi, passé le sas de l’entrée, c’est l’odeur. L’odeur des sapins. Mélange de l’odeur de la forêt dans laquelle on joue à s’égarer et de celle du salon, à Noël, quand l’épicéa commence à perdre ses aiguilles.

Puis on voit. Une forêt miniature. Des petits sapins, dont certains atteignent malgré tout une taille honorable, serrés les uns contre les autres, forment une forêt dense, obscure dans l’obscurité. Une forêt de conte de fées où peuvent se cacher toute sorte de créatures réelles et imaginaires. Les sapins sont d’un joli vert, vert sapin ma foi. C’est beau, apaisant. Mais subtilement le vert devient plus vert, plus brillant, jusqu’à être un vert acide, quasiment fluo. Un oiseau chante.

Cette forêt là est toxique. On pense inévitablement à Tchernobyl.

La pluie qui se met à tomber ne lave rien, ne purifie rien, pluie acide, pluie chimique, pluie toxique. Elle brille, artificielle, scintille comme autant de gouttes de poison.

Au-dessus des arbres, de puissantes lumières s’allument, ressemblant aux feux de positions d’un vaisseau extra terrestre, de la fumée s’insinue dans l’air, les gouttes de pluie semblent s’écouler à l’envers, remontant contre la gravité. Un oiseau chante.

Absynth se présente comme un diorama. Les dioramas, qu’ils fussent statiques ou animés dans une mini représentation théâtralisée comme celui-ci, connurent leur heure de gloire au 19ème siècle et au début du 20ème, notamment dans les musées d’histoire naturelle. Ils avaient pour vocation de présenter la nature et les êtres qui la peuplent « tels qu’ils étaient », notamment ces environnements lointains et exotiques auxquels le public n’avait pas accès. Absynth, à cet égard, s’inscrit bien dans la tradition des dioramas : la réalité de sa forêt est déjà là. Il pleut du poison et le dernier oiseau chante.

Publié dans Art-Science, Art-Science, Environmental Art, Vu / Seen | Marqué avec , , , , , , | Laisser un commentaire

What’s Art Got To Do With It?

IMG_1717

Mon article « What’s Art Got To Do with It? Reflecting on Bioart and Ethics from the Experience of the Trust me, I’m An Artist Project », est paru dans Leonardo,Vol. 51, n°1, 2018, pp. 85-86 ainsi que celui d’Anna Dumitriu « Trust Me, I’m An Artist: Building Opportunities for Art and Science Collaboration Through an Understanding of Ethics ».

Publié dans Annick's News, Anouncement, Art-Science, Articles, Blog, Ethique, Publications | Marqué avec , , , , | Laisser un commentaire

Un autre tour de carrousel cosmique / One more tour on the cosmic merry-go-round

AB-2018

Publié dans Annick's News, Anouncement, Blog | Marqué avec , | Laisser un commentaire

Art, Science, Technologie. Fragments d’un parcours colombien

art press, n°451, janvier 2018

art press, n°451, janvier 2018

Mon article sur ISEA et la création art-science-technologie en Colombie est paru dans le numéro 451 de janvier 2018 d’art press, assorti d’une traduction en anglais.

Joli cadeau de fin d’année (ISEA ayant eu lieu en … juin 2017 !). Mais pourquoi diable la rédaction a t-elle jugé utile d’y adjoindre un tel chapo (sans parler des inter-titres) ?

Publié dans Annick's News, Art-Science, Articles, Publications | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , | Laisser un commentaire

Perceiving, Feeling, Interpreting, Storytelling: The Art of Art-Science

FEATcarte

April 2017, at the LifeSpace Science Art Research Gallery of the School of Life Sciences at the University of Dundee, the artworks created during the FEAT project were exhibited for the first time. FEAT stands for ‘Future Emerging Art and Technology’. It was an EU funded project during which artists were in residence over 9 months in FET/Future Emerging Technology consortia, FET being one of the cutting-edge scientific research programmes of the European Union. A lot has been writen about the art-science relation in this project, how the presence of artists in research labs could provide a new perspective to the research being conducted; a lot has been writen about the sciences that those works are incorporating. Here, I would like to focus on their aesthetics, on their relations to different approaches and trends in contemporary art, hopefully on how they will be seen, perceived and read once they are no longer exhibited together and that the context of their creation (the art-science FEAT project) will have been relegated to the background if not forgotten. I wrote those texts for the online enriched video capsules documenting each work on the Leonardo/Olats website as part of the FEAT project.

All the descriptions of the artworks come from the Dundee exhibition except Ion Hole by Domnitch & Gelfand which I had seen a few months earlier at Le Lieu Unique in Nantes where it was premiered.

"Ion Hole", Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand

« Ion Hole », Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand

Matter Between Wonder and Seduction

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand, Ion Hole

In a dark room, suspended in mid-air, as if floating in weightlessness, is a circle of pulsating, colourful light particles that look like the grande finale of a firework or the burst of a star from a distant galaxy (but isn’t it the same?).

The projection is coming from a nearby box which hosts an even more fabulous and mesmerizing dispositif: a device, that we learn later is a Paul trap, looking like a jewel designed for an unknown alien creature, is maintaining in its ring tiny particules that are sparkling and vibrating like rare precious stonepowder in an explosion of joy and vitality

"Ion Hole", Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand

« Ion Hole », Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand

In between magic, fairy tale, cosmic dimension and fundamental physics, it is seing the infinitely small, the universe contained in nothingness.

 Ion Hole is a highly seductive light installation which is not based on understanding but on wonder. In this respect, it relates to an art-science approach and philosophy defined and promoted by The Exploratorium in San Francisco: attracting people to science through direct experiment and wonder. The hence triggered curiosity will lead then to research, to a quest for understanding; the artworks being « experiments among experiments ».

How to make quantum physics « approachable » when the minute you pronounce the term the flag « too-difficult-for-me » raises? How to make « concrete » something which is considered intensely « abstract »?

With Ion Hole, the answer of Evelina Domnitch and Dmitry Gelfand is by building upon the paradox. When quantum physics deals with matter but at an (almost) unperceptible level, the artwork shows totally observable phenomena but in a work that is (almost) objectless. Ion Hole, like many of the other artworks created by the duo, plays with this dialectic between tangibility and objectless, between cognition and emotion.

Nowadays, art being « scientific illustration » is dismissed. Although we praise it when it comes from the past, it has almost become an insult for contemporary creation in favour of a « critical approach » to science. Beyond the fact that this puts aside the whole blossoming field of visualisation and sonification and consider « science » as an undistinct global whole, I argue that this is a misunderstanding of what « illustration » really means. « Illustration » does not equal slick « image » or « drawing » or « charts ». It is the action to put in relation something with something in a sensitive order that is then presented as a realisation in another form, it is the realisation in the sensitive order of something*. In other words, it is bringing something to the perception, to the senses. And this is exactly what Ion Hole does.

Ion Hole is an artwork as scientific illustration at its best. It is a scientific experiment that has ceased to be one by the very act of having been brought out of the lab. By having no other goal but proposing itself to a direct observation/perception as opposed to (digital) measures and processes Ion Hole is a scientific experiment that has become an art experience.

* Translated from the definition of the Trésor de la langue française which also says that « illustrating » used to mean in past centuries « making famous ».

 

"Robots In Distress", boredomresearch (Vicky Isley & Paul Smith)

« Robots In Distress », boredomresearch (Vicky Isley & Paul Smith)

The Reason of Emotions in Non-living Entities

boredomresearch (Vicky Isley & Paul Smith), Robots In Distress

Endlessly, an underwater landscape unfolds on the screen in front of our eyes. Here and there, some metallic poles appear, remains from unknown constructions. Plastic bags and nets are litting the water floor, more and more of them. There is no life. Not a single fish, or shell or aquatic plant. Instead a noria of tiny robots, looking like alien insects that would have been hybridised with an earthian plastic bottle, are stubbornly lifting up and hopelessly falling back down. Upon rising, they emit a blinking red light contrasting with the blueish-grey color of the background environment. The whole scenary is bathed in a sepulchral sound.

Robots In Distress is an Artificial Life (or A.Life) computer-simulated world. When A.Life art emerged around the late 1980’s-early1990’s with artworks such as Karl Sims’s Panspermia (1990) or Christa Sommerer & Laurent Mignonneau Interactive Plant Growing (1992) or A-Volve (1994-95), they were, somehow, celebrating life, even if virtual or unknown ones. They were colorfull and playfull.

Thirty years later Robots In Distress expresses a strong rupture: from exploring emergent behaviours and forms of life of the early days, its focus now is on the disappearing of life, the human impact on nature and the failure of our techno-solutions. The artificial creatures (virtual robots) are less interesting by and for themselves than in so far as they reflect upon our responsability in the disappearance of real creatures, their despondency mirroring our own in elaborating answers.

Human beings have this capacity to develop empathy, even towards things, toward non-living entities, specially if those things have a some kind of motion, and even more if this motion seems to have a goal or intention. We project very easily our own intentions not only on our fellow humans but on objects as well.

In his 1994 book Descartes’ Error: Emotion, Reason, and the Human Brain, neurologist Antonio Damasio has shown that without emotions human beings are unable to perform correctly in the world, to have a ‘rational’ behaviour. Should the robots that we build have emotions then, including negative ones, to be more effective, to help us in implementing solutions? The question is left open.

What is for sure is that there is a strong feeling of melancholia in Robots In Distress, of having let the disaster to occur and left it to the robots to do the repairing. But, by their motion and behaviour, they too, show what we interpret as helplessness and hopelessness. And this is this very projection of our human emotions that (may) gives us the strength and the energy to react and take over, perhaps together with a swarm of strongly emotional depressed robots.

"Becoming a.(Thing), Špela Petrič & Miha Turšič

« Becoming a.(Thing), Špela Petrič & Miha Turšič

Finding Meaning Where There Is None …

Špela Petrič and Miha Turšič, Becoming a.(Thing)

‘Exascale supercomputing': the word in itself is in-between utterly mysterious and slightly frightening, intimidating for sure. So is the title of the artwork Becoming a.(Thing) by Špela Petrič and Miha Turšič.

Humanity landed itself on the Moon with less computer power than in the processor of our washing machines and now we find ourselves with those massive parallel computers crunching info and data like soap bubbles but needing a whole power plant to power them and a glacier to cool them. Which sense does it make?

Supercomputing is running after a fantasy which is building a computer that could be equivalent to a human brain. Of course, the result would not be an artificial human because humans have carbon-based biological bodies and think also with/through them. Which sense does it make?

How do you create art with/about supercomputer and supercomputing? For sure the machines are gorgeous and make fabulous pictures but they are not truly directly ‘useable’ in/for an art project. Petrič and Turšič’s answer presents itself as an audiovisual performative installation.

When entering the room we see a whole set of technical equipment ranging from computers, screens of all size, large video projections, microphones, cameras, some are more exotic ones such as a microscope and here and there some props like books or an ultrasound scanner. A dense mesh of cables is connecting the whole. The installation is displaying images, videos, charts, texts, lines of codes on some computer screens, a typical computer voice, etc. In short, it is something that looks familiar to a media art audience.

Slowly, as we move around, we get fascinated and captivated. The display has this seductive flavor of complex technology. However, this does not look like entertainment but serious and meaningful, both in terms of art and science. There is something to be understood.

Becoming a.(Thing) is based on the ground function of computers that is processing data. But, instead of providing the algorithms with the data they are meant to interpret, any data becomes an input to any algorithm, the output of which becomes a new input for another algorithm. Which sense does it make?

Making sense is precisely what is at the core of supercomputing and of Becoming a.(Thing), « Making sense in the (human) Animal and the Machine » to paraphrase a famous founding book of cybernetics [1].

By focusing on exhibiting processes and playing on/with absurdity, Becoming a.(Thing) puts in the forefront how we are becoming unable to understand how supercomputers are making sense of the (big) data we are feeding them with and therefore how we are loosing or might be losing our capacity to discriminate potentially wrong results and interpretations ; how, no matter what, computers are making reasonable sense from any information ; and how, anyhow we do make sense of anything. The nice thing is that even if you don’t look closer, if you don’t understand what is exactly going on in Becoming a.(Thing), it is still « working » because as an audience you will project some sense or meaning onto it.

The artists are indeed adding a layer of translation and interpretation in this meaning-making process as, in a metatheatrical way, the whole work is showing the process of semiosis itself emerging from the dance between humans and their invented non-carbon based embodied languages.

Becoming a.(Thing) is a pure exhilarating pataphysical object and finding meaning where there is none is, actually, a non-sensical meaningful process. Does it make sense? Yes.

"Make Do and Mend", Anna Dumitriu

« Make Do and Mend », Anna Dumitriu

Storytelling in Art and Science

Anna Dumitriu, Make Do and Mend

Central to Make Do and Mend, when one encounters it for the first time, is the patched suit on the mannequin followed by the toy sewing machine on its pedestal. The four framed pieces, on the wall, appear as some kind of background information, as secondary items, before revealing their content and role at a closer look.

Make Do and Mend is not a self explanatory artwork and is almost as complex to explain as the science it is using and reflecting upon. Non self explanatory artworks are common in art-science projects as well as in average (non art-science) contemporary art, but there are different ways of being so.

Make Do and Mend can be described as what I call ‘intermediary-objects’, carrying stories to be told and unfolded. It does not « stand for ». It is actual objects embodying the story lines. In other words, Make Do and Mend is a narrative spread between different artefacts.

It would be easy and a mistake to focus only on the 1941 suit, patched with the silk fabrics onto which the E. coli bacteria, repaired using the so called « molecular scissors » CRISPR/Cas9, were grown.

All the elements, echoing and mirroring each other, are equally important. In this respect, the four frames are like ‘antique tablets’ that are providing clues to decipher the work, which not only includes cutting-edge biomedical research but is also rooted in local history both from the Second World War in the UK and, more generally, in the history of Western science and is based on strong cultural references. The audience become like archaeologists ‘reading’ the history through remaining fragments that would have been over written.

Anna Dumitriu is using craft techniques, often connoted as feminine, in her artworks while working with the latest biotechnologies to address crucial contemporary issues. In Make Do and Mend, the « low-craft » aesthetics of the antique vintage elements not only refer to WWII and year 1941 but also confronts and opposes our vision of the clean-sterile-high-end lab aesthetics and the very notion of progress.

Each technique acts as a metaphor to the other to deploy the embodied enmeshed stories. In this respect, the homologous recombination technique can be compared to patching and the whole process of gene editing to craft with its meticulous steps and endless pipetting and ‘cooking’ procedures. Moreover, the clichés of ‘male-science’ and ‘female-craft’ are put upside down: science is craft.

The mending metaphor is even more powerful and the sewing machine the real key element of the piece for bringing to the forefront the ethical issues that the work carries: it is a toy which is the exact replica of the real machine. Are we like kids playing with matches when thinking of ‘repairing’ faulty genomes or our own past medical and scientific mistakes?

"Make Do and Mend", Anna Dumitriu, toy sewing machine

« Make Do and Mend », Anna Dumitriu, toy sewing machine

In the late ’90’s, when bioart emerged, one of its key elements was that the Living itself had become a medium for art, a living that had to remain alive, at least throughout the exhibition time. Formerly, many of those artworks had a ‘lab-aesthetics’ as they needed to maintain the living element alive, for instance in bio-reactors, and one of the struggles was precisely to bypass this drawback. One good example to have been successful in this respect is Eduardo Kac’s Genesis where the modified bacteria were alive but part of a larger (media) art installation.

Increasingly, due to health and safety regulations, to other kind of constraints (nobody would like the pathogenic bacteria that are in many of Anna Dumitriu’s projects to continue growing), to the expansion of speculative bioart, or to aesthetical choices, an important segment of bioart is finding its way into traditional art mediums and sometimes even out of the living matter itself. Make Do and Mend, as many of the artist’s other works, belongs to a bioart trend that I would term « non-living bioart » in that it includes ‘for real’ bio elements such as modified bacteria, but killed. The fact that it is genuine, both in its biotechnology techniques and vintage items, and for real, makes all the difference. It is neither « about », nor hypotheses. It is.

 

Publié dans Annick's News, Art-Science, Art-Science, Articles, BioArt | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , , , | Laisser un commentaire

LASER Paris – 7 décembre 2017

Dernière rencontre LASER Paris de l’année 2017, avec au programme :

> « Atmosphère, … » : HeHe (artistes) et Jean-Marc Chomaz (artiste physicien, directeur de recherche CNRS, professeur à l’École Polytechnique), autour du projet « Absynth » (projet soutenu par La Diagonale Paris-Saclay).

> « Habiter sous la mer » : Nicolas Floc’h (artiste), autour de ses projets artistiques de récifs artificiels et de sa résidence à bord de TARA Pacific au printemps dernier.

Jean-François Sanz, directeur artistique du fonds de dotation agnès b. présente l'exposition "A mon seul désir - 20 ans de Mauvais Genres chez agnès b."

Jean-François Sanz, directeur artistique du fonds de dotation agnès b. présente l’exposition « A mon seul désir – 20 ans de Mauvais Genres chez agnès b. »

 

Pauline Dorkel présente La Diagonale Paris-Saclay

Pauline Dorkel présente La Diagonale Paris-Saclay

 

Heiko Hansen, du duo HeHe

Heiko Hansen, du duo HeHe

Heiko Hansen, du duo HeHe

Heiko Hansen, du duo HeHe

 

Jean-Marc Chomaz et Heiko Hansen du duo HeHe

Jean-Marc Chomaz et Heiko Hansen du duo HeHe

Jean-Marc Chomaz et Heiko Hansen du duo HeHe

Jean-Marc Chomaz et Heiko Hansen du duo HeHe

 

Annick Bureaud présente Nicolas Floc'h

Annick Bureaud présente Nicolas Floc’h

Nicolas Floc'h

Nicolas Floc’h

Séance de questions

Séance de questions

Public

Public

Public

Public

 

 

 

 

 

 

'Open Mic' avec Jean-Marc Lévy-Leblond

‘Open Mic’ avec Jean-Marc Lévy-Leblond

'Open Mic' avec Gaspard Bébié Valérian

‘Open Mic’ avec Gaspard Bébié Valérian

'Open Mic' avec Sophie Lavaud

‘Open Mic’ avec Sophie Lavaud

 

 

 

 

 

 

 

Images aimablement et gracieusement prises par Florian Houssais

Les rencontres LASER / Leonardo Art-Science Evening Rendezvous sont un projet de Leonardo/ISAST.

LASER Paris est co-organisé par Leonardo/Olats, La Diagonale Paris-Saclay et le fonds de dotation agnès b.

 

Publié dans Art-Science, Art-Science, Environmental Art | Marqué avec , , , , , , , , , , , , | Laisser un commentaire

« Trust Me, I’m An Artist », fin et suite

Trust Me, I’m An Artist, c’est fini. Trois ans plus tard, je mesure le chemin (que j’ai) parcouru.

La dernière performance, DNA Ancestry Testing par Larry Achaimpong et David Blandy, aura eu lieu aujourd’hui, à Londres, organisée par Arts Catalyst. Je ne l’aurai pas vue car ce jour même j’organisais une rencontre LASER à Paris.

Trust Me, I’m An Artist s’est terminé pour moi les 16 et 17 novembre 2017, à Amsterdam avec la performance de Maja Smrekar et le symposium final organisé par la Waag Society.

Maja Smrekar et Ada, 16 novembre 2017, Waag Society, Amsterdam. Photo A. Bureaud

Maja Smrekar et Ada, 16 novembre 2017, Waag Society, Amsterdam. Photo A. Bureaud

Comité d'éthique, 16 novembre 2017 Waag Society, Amsterdam Photo : A. Bureaud

Comité d’éthique, 16 novembre 2017
Waag Society, Amsterdam
Photo : A. Bureaud

J’ai écrit un article, il y a un an, pour la revue Leonardo, tentant une première synthèse de mes réflexions. Aujourd’hui, il va s’agir plutôt de quelques remarques issues des présentations et des discussions lors des panels à Amsterdam.

L’éthique peut-elle être une pratique artistique ?

Cette question était l’une des quatre qui ont structuré la journée.

Il me semble qu’il faut ici distinguer entre deux types d’œuvres : d’une part celles qui incluent, pour leur réalisation même, une question éthique et d’autre part celles qui traitent d’une question éthique sans toutefois présenter un quelconque problème éthique dans leur mise en œuvre, la différence entre le discours et la pratique en quelque sorte. La différence aussi entre un bioart qui s’inscrit de facto dans le vivant, qui utilise le vivant comme médium et le bioart spéculatif qui invente des scénarii mais dont les médiums restent ceux classiques de l’art et qui, en fin de compte, s’inscrit dans la logique de la représentation. La différence enfin entre ce qu’il est possible de faire sans laboratoire professionnel et ce qui nécessite une institution de recherche, cette dernière ayant des règles qu’il convient de suivre quand le studio de l’artiste n’a que celles qu’il/elle se donne.

Je ne pense pas que l’éthique, en soi, puisse être une pratique artistique sauf à rester dans le spéculatif ou à entrer dans le risque d’une surenchère de projets extrêmes et spectaculaires, dans une transgression pour la transgression.

La place de l’institution

Une deuxième table ronde avait pour sujet « Institutions éthiques ou éthique institutionnalisée ».

Jurij Krpan, 17 novembre 2017 Waag Society Amsterdam Photo : A. Bureaud

Jurij Krpan, 17 novembre 2017
Waag Society Amsterdam
Photo : A. Bureaud

Pour Jurij Krpan de la Galerie Kapelica, les artistes n’ont pas à justifier un projet devant un comité d’éthique. En revanche les commissaires et les institutions artistiques et culturelles ont besoin de comités d’éthique pour les aider à présenter les œuvres, pour les aider à apporter des réponses qui ne soient pas que techniques (autorisé – interdit).

J’ai trouvé cette approche très intéressante. Trust Me, I’m An Artist est construit sur le modèle scientifique dans lequel les projets de recherche des scientifiques sont soumis à des comités d’éthique. Il met en scène la situation où des artistes doivent également, pour la réalisation de leurs œuvres, soumettre leur projet devant ces mêmes comités. Cependant, les scientifiques ne proposent pas leur dossier « individuellement » mais bien avec leur institution, leur laboratoire. Le format de Trust Me dans ce contexte me semble à reformuler : les artistes devraient se présenter conjointement avec le/la commissaire et l’institution culturelle qui les soutiennent. Cela aurait été  particulièrement pertinent pour cette édition car les artistes avaient été proposés, choisis par les partenaires du projet. Il serait intéressant de voir si le fait qu’un artiste est soutenu par une institution culturelle qui apporte sa caution, son argumentaire et sa validation artistique peut avoir un quelconque impact sur le regard porté par un comité d’éthique.

 

Prise de risques et liberté de l’artiste

Dans les riches échanges de cette journée, la singularité et la liberté de l’artiste ont fait entendre leur petite musique, motif récurrent qui allait et revenait au cours des discussions.

J’avoue avoir quelques difficultés à comprendre pourquoi l’artiste parce qu’il est artiste aurait une attitude sociale et sociétale plus responsable que les scientifiques ou ses concitoyens, serait un être nécessairement équilibré, juste et bon et exempt des erreurs que le commun des mortels commet un jour ou l’autre. Les protocoles ont précisément été établis pour cela, pour border les erreurs et oublis que chacun peut commettre en toute bonne foi. L’éthique, dans la recherche scientifique apparaît comme un ensemble de règles destinées à protéger tout à la fois la société et le scientifique des dérives et des pressions. Ce qui fut intéressant pour moi fut de voir resurgir en filigrane, la dualité/dialectique entre responsabilité collective et liberté individuelle. Il ressort, du moins est-ce ainsi que je l’ai interprété, que le scientifique agit « au nom de tous », au nom de et pour la société dans son ensemble et, à ce titre, est légitiment soumis à des règles d’éthique portées par cette même société. En revanche, l’artiste parle en son nom et conserve sa liberté individuelle dont celle de transgresser les règles édictées. Vieux débat, non résolu. D’autant moins résolu que la question posée est bien la liberté individuelle de l’artiste quand il travaille au sein d’un laboratoire scientifique : peut-il, doit-il se fondre alors dans les règles qui régissent le collectif ?

Le public de "Trust Me, I'm An Artist" dans le Theatrum Anatomicum Waag Society, Amsterdam, Novembre 2017 Photo : A. Bureaud

Le public de « Trust Me, I’m An Artist » dans le Theatrum Anatomicum
Waag Society, Amsterdam, Novembre 2017
Photo : A. Bureaud

 

Trust Me, I’m An Artist, une performance artistique

Trust Me, I’m An Artist est une meta-œuvre. En effet, il s’agit d’une performance à propos d’une œuvre. À partir de l’instant où l’artiste présente en public devant un comité d’éthique et où celui-ci délibère également en public, nous sommes dans le registre de la représentation et de la mise en scène.

Dans l’ensemble des sessions auxquelles j’ai assistées, deux ont clairement souligné cette ambiguïté-dualité du projet. Kira O’Reilly et Jennifer Willet à Amsterdam ont totalement détourné le format en ignorant le comité d’éthique pour de facto faire une performance. Lors d’une édition précédente, j’avais organisé une session à Paris avec Art Orienté objet et le projet de transfusion de sang de panda sur le modèle déjà réalisé avec le sang de cheval. Cette fois, ce fut le comité lui-même qui, reconnaissant l’artificialité du processus et sa mise en scène, refusa de se prononcer et de faire les recommandations attendues.

Trust Me, I’m An Artist peut être appréhendé comme un espace où l’on peut débattre de l’éthique dans l’art tout en étant une œuvre —un spectacle, une performance.

À cet égard, c’est peut-être une forme de réponse positive à la question « l’éthique peut-elle être une pratique artistique » .

Au-delà du bioart

Trust Me, I’m An Artist a porté sur des œuvres dans le champ du bioart. D’autres domaines et d’autres créations soulèvent aussi des questions éthiques (intelligence artificielle, traitement des big data, surveillance technologique pour n’en citer que quelques uns parmi les plus discutés aujourd’hui) mais aussi utilisation de matériaux dangereux ou potentiellement dangereux comme dans Open Care d’Erich Berger et Mari Keto avec la radioactivité. Autant de thèmes et de pistes pour élargir le débat, pour une suite possible (et désirée …).

"Intérieur hollandais", Waag Society, Amsterdam Photo A. Bureaud

« Intérieur hollandais », Waag Society, Amsterdam
Photo A. Bureaud

"Intérieur hollandais", Waag Society, Amsterdam Photo A. Bureaud

« Intérieur hollandais », Waag Society, Amsterdam
Photo A. Bureaud

Ici se termine ce Journal de bord.

Le projet « Trust Me, I’m An Artist » a été soutenu par le programme Creative Europe de l’Union Européenne.

Print

Publié dans Art-Science, Art-Science, Articles, BioArt, Ethics, Ethique | Marqué avec , , , , , , , , | Laisser un commentaire